Photos aériennes des Pyrénées
Pyrénées sublimes, les textes
Sublimes Pyréneées
Oct 2013, à la verticale du lac de Caillauas ...
Octobre 2013, à la verticale du lac de Caillauas, cap au 350° à 12 000 pieds. Mélange d’exaltation et d’angoisse au retour du Parc National d’Ordesa. Je viens tout juste d’inscrire à mon tableau de chasse une icône pyrénéenne : le canyon d’Arazas s’embrasant au soleil couchant. Voilà 10 ans que le projet “Pyrénées sublimes” a pris corps et 10 ans que ce maudit canyon m’échappait : je le survolais trop tôt ou trop tard, avec trop de vent ou trop de brume, ou bien à court de carburant. Mais, cette fois-ci, ma quête du “sublime” n’a pas été vaine, grâce à cette lumière d’automne si pure et si douce, qui teintait d’ocre et de rouge ce somptueux morceau de Colorado pyrénéen, quelques minutes avant le coucher du soleil. Mais le cliché tant convoité pourrait me coûter très cher si la nuit me surprend sur le chemin du retour, au milieu de cimes inhospitalières ! Je songe alors à Romane, Paul et Marjorie qui doivent scruter en vain le ciel dans notre vallée de Barousse, à 10 minutes de vol…
Alors, moteur à plein régime ...
Alors, moteur à plein régime, je lance mon aéronef dans un piqué vertigineux pour rallier au plus vite le col de Bales, aux confins de ma vallée, dans les Hautes-Pyrénées.
Cinq minutes plus tard, le col est en vue mais, stupeur, la vallée est en partie noyée sous les nuages ! Occultée par ce voile nuageux, ma piste est à coup sûr déjà plongée dans les ténèbres. Ce serait pure folie que de tenter un atterrissage de nuit à “Thèbe Airport”, le timbre-poste de 80 x 15 m qui me tient lieu de piste, enclavé entre deux montagnes. Thèbe, c’est le village de mes ancêtres, perdu dans la vallée de la Barousse, là où toute mon aventure a commencé, dès l’âge de 14 ans, quand je faisais décoller mes maquettes volantes sur le pré du grand-père, avec un Kodak instamatic sous l’aile. Depuis 23 ans, ce petit pré en pente (14%) me sert d’aérodrome, à défaut — nul n’est prophète en son pays — d’avoir pu trouver pour mon aéronef un abri aux abords de la jolie piste de Saint-Gaudens, longue de 700 m mais réservée à quelques privilégiés. Poussé dans mes retranchements et acculé dans mes montagnes, j’ai été contraint d’affiner ma technique de pilotage pour réussir, au bout du compte, plus de 2000 “appontages” sur cette minuscule piste aux allures de porte-avions — cardiaques s’abstenir ! Mais ce soir la précision inhérente à de tels appontages va m’être fort utile… De fait l’heure tourne et je n’ai plus d’autre échappatoire que de risquer un atterrissage de fortune, entre chien et loup, sur le petit bout de pâturage “tondu” par les moutons et qui défile sous mes ailes à 1600 m d’altitude au sud du col de Balès. Plus une seconde à perdre, action !
Je passe d’abord en rase-motte ...
Je passe d’abord en rase-motte pour estimer le vent et repérer d’éventuels trous de sangliers, rochers indélicats et brebis égarées, puis virage à 180° et approche finale, tous volets sortis, plein moteur pour escalader la pente herbeuse et soulager l’appareil juste avant l’impact. Posé en 25 mètres et sans casse ! Depuis ce belvédère le panorama est grandiose, de l’Aneto jusqu’aux “3000” de la crête frontalière, qui se détachent en ombres chinoises sur le ciel violet. Instant de méditation et de contemplation dans le silence du soir, juste troublé par le brame d’un cerf en contrebas. Je n’ai plus qu’à monter ma tente de survie et à visionner mes dernières photos sur l’écran de mon Nikon. Victoire ! Le flamboyant canyon resurgit sous mes yeux par la magie du numérique.
Au bout du compte, le précieux cliché ...
Au bout du compte, le précieux cliché, pour lequel j’ai pris tous les risques, m’aura juste coûté une bonne frayeur et un bivouac glacial en montagne. Mais demain, cela me permettra de décoller à l’aube, au milieu des cimes pour reprendre ma traque de lumières improbables et de sites grandioses. Cette fois, c’est l’imposant massif des Posets, fraîchement enneigé, qui sera ma cible, nimbé de la lumière dorée du petit matin.
Un mois plus tard, accompagné de Marjorie ...
Un mois plus tard, accompagné de Marjorie, je suis de retour sur ce même belvédère afin de participer à un tournage pour l’émission “Des racines et des ailes”. Mon épopée de pilote - constructeur - photographe - éditeur les intéresse et, de mon côté, c’est l’occasion d’approcher Philippe, Franck et Michel, de grands professionnels de l’image et du son, tout en pénétrant dans les coulisses d’une émission prestigieuse. Ma quête de clichés rares va se poursuivre à leurs côtés et nous vaudra quelques émotions…Avec Franck, le caméraman, nous garderons à jamais un souvenir impérissable d’une séance de rase cailloux à 3000 m qui s’achèvera par une amorce de vrille au-dessus du lac du Portillon, victimes d’un méchant rabattant sur le col de Literol, après une heure de vol sans la moindre turbulence !
Au terme des cinq jours de tournage mémorable avec cette sympathique équipe, ma photothèque va encore s’enrichir d’images hors du commun. J’aurai enfin de quoi achever le présent ouvrage avec un souci constant : que chaque image fasse rêver et tressaillir le lecteur ! Ce serait pour Marjorie et moi la plus belle des récompenses après les 2000 heures de vol à l’affût de ces instants magiques et éphémères, sans oublier les 6000 heures au sol à construire, entretenir et rénover mes deux machines volantes — le côté obscur des vols !