Eric Soulé de Lafont survole et fixe les paysages de plaine et de montagne, non dans le dessein de donner mauvaise conscience à l'humanité rampante et destructrice, mais pour partager avec elle des émois et des extases renouvelés.

Vues d'en haut, les Pyrénées -sont terrain de jeux privilégié- ne cessent d'émerveiller le téméraire volant qui construit lui-même ses avions, embarquant avec la joie enfantine de celui qui s'en va quérir dans les airs des fulgurances d'évasion et d'exaltation aux antipodes des émotions terrestres.

« Avant, je volais à l'aide de maquettes radio-commandées. Dès que j'ai pu mettre trois sous de côté, j'ai embarqué dans un Jodel d'aéroclub de 65 CV et puis très vite, j'ai passé mon brevet de pilotage ».

Idem pour la photographie qu'il fréquente d'abord en dilettante, avec le banal Instamatic de sa pré-adolescence.

A 18 ans, il acquiert son « premier vrai objectif » et, dès lors, les deux passions prospèreront au même rythme que les études de médecine, option dermatologie.

Aspiré par les massifs , Eric Soulé de Lafont s'initie à l'art du pilotage en montagne dans le sillage d'un maître inégalé : Henri Girand, ancien résistant du Vercors, instructeur de plus de mille pilotes et seul aviateur à s'être posé sur le Mont-Blanc en 1960.

L'élève consacrera d'ailleurs un livre préfacé par Roger Frison-Roche au héros disparu qui compte 45 000 heures de vol et 3500 atterrissages en montagne dont 1500 sur neige et glaciers.

« C'est lui qui m'a appris la rigueur » s'incline le disciple aguerri ».

L'expérience aidant, il construit dans sa maison de Thèbes, en Haute-Pyrénées, deux aéronefs (un avion et un ULM, soit plus de 5000 heures de travail) sur lesquels il embarque , seul ou avec Marjorie, une fille de pilote de ligne née à Pau, rencontrée sur un aérodrome en Espagne et épousée dans les Pyrénées en 1998.

Fervent adepte de montagne, d'aviation et de photographie, le couple conjugue les talents de chacun lors d'équipées aériennes de plus en plus hardies d'où ils ramènent de fabuleuses prises de vues.

« Je m'élançais depuis le pré en pente du grand-père, en pays saint-gaudinois, devenu ma base », raconte le mari dont l'engouement appelle des mots fort. « Quand on vole régulièrement, c'est comme une drogue dure, comparable à l'endomorphine du coureur de fond », image t'il.

Conscient de la valeur de témoignage et de l'impact esthétique de leurs clichés, les Soulé de Lafont décident de se reconvertir à l'édition et dédient leur toute première production au « Comminges et au Val d'Aran vus du ciel ». Le survol des Pyrénées tient d'une dramaturgie fantastique qui commença par d'impératives formalités , deux stages pratiques et un an de préparatifs nourris de repérages toutes saisons.

« Il a fallu des centaines d'heures de vol avant la mise en place. Après, c'est la météo qui décide. Il faut à la fois gérer la technique photographique et de pilotage ».

Sixième album de la série, « Le Béarn à ciel ouvert » a suscité autant d'adrénaline que les précédents. « Je me fais peur pour chaque livre. La montagne est un milieu imprévisible. Le pire c'est le givrage du carburateur. Le moteur perd de la puissance. On doit faire de grands détours par l'Espagne pour s'en sortir. J'ai toujours un réservoir de sécurité ».

« Mon but est d'étonner les Béarnais et de donner aux autres l'envie de se promener dans la région en montrant aux Parisiens qu'il n'y a pas que les Alpes », suggère Eric Soulé de Lafont.

Renée Mourgues